Homélie de la nuit de Noël 2018 par le frère Jean-Gabriel, ocd

Enregistrement sonore :

Texte

Savez-vous pourquoi il y a encore tant de bruit et de fureur en ce monde? Pourquoi tant de violences et d’injures faites à la dignité de l’homme, tant de guerres fratricides, d’injustices sociales, de fanatismes ou d’idéologies meurtrières? Tant de mépris à l’égard des plus faibles? Pourquoi tant d’abus de pouvoir et de corruption? BREF, POURQUOI TANT DE MAL? Eh bien, c’est que nous ne regardons pas Marie, la Mère qui nous donne en cette nuit son Enfant! Oui, l’humanité s’en trouverait bien mieux si elle prenait modèle sur la Vierge Mère, et si, comme saint Joseph, on se décidait à prendre Marie chez soi! C’est pourtant là l’invitation de l’Eglise : durant tout ce temps de l’Avent, temps de l’attente du Sauveur, l’Eglise nous a invités à lever les yeux vers l’Etoile de l’Avent, la Vierge Marie, pour qu’elle nous apprenne comme elle à accueillir celui qui vient! Celui qu’elle dépose cette nuit dans la crêche, offert au regard de tous les hommes; celui qui s’offre à nous tous, à notre accueil, à notre bon vouloir : Paix aux hommes de bonne volonté!! Il suffit de notre bonne volonté : celle qui consiste à consentir, comme Marie, à l’accueil du don que Dieu nous fait de Lui dans son Fils. Autrement dit la bonne volonté qui consiste à consentir à vouloir être sauvés, à vouloir être aimés et à aimer en retour! Tel est l’enjeu véritable de la Naissance de Dieu parmi nous : Nous devons nous laisser renouveler par la naissance incomparable du Verbe de Dieu, celui qui est venu pour nous les hommes et pour notre salut!… Telle est l’affaire la plus sérieuse de toutes les oeuvres humaines : il s’agit de vouloir que ce qui s’est passé il y a 2019 ans dans le sein de Marie, puis dans la crêche de Bethléem, se reproduise en nos coeurs! Oui, vous m’avez bien entendu! Nous sommes invités à accueillir le mystère de Noël, non pas comme un mystère extérieur, dont nous ne serions que les spectateurs, mais comme LE mystère qui nous concerne tous et nous implique, non pas comme simples spectateurs, mais comme de véritables acteurs! Car Noël, c’est la naissance de Dieu en nous, par la grâce de la foi et l’action de l’Esprit. C’est bien l’ignorance du don de Dieu qui fait de la vie humaine un désert stérile quand ce n’est pas une tragédie! Noël, ce n’est pas seulement un Jour de l’année, le 25 décembre; Noël, frères et soeurs, c’est tous les jours de l’année dès lors que nous ouvrons notre coeur à la foi et et que notre vie produit les fruits que la miséricorde divine lui donne de porter! Voilà pourquoi nous devons regarder Marie! Elle est le modèle achevé de notre foi! Elle est celle qui a vécu pleinement de cette grâce dont elle était emplie par l’effusion de l’Esprit! Marie est d’abord la Vierge qui écoute et qui accueille la Parole de Dieu dans son coeur. Avant d’enfanter le Verbe dans sa chair, elle en a été le disciple parfait dans son âme, comme les pères de l’Eglise le rappellent et le Concile après eux qui déclare : “C’est dans sa foi et dans son obéissance qu’elle a engendré sur la terre le Fils du Père, sans connaître d’homme, enveloppée par l’Esprit Saint”, en donnant à Dieu une foi que nul doute n’altère!” (LG 63). Nous sommes — et avec nous tous les hommes, nous sommes invités à donner nous aussi à Dieu la liberté de notre foi et de notre obéissance! La vraie réponse que Notre Père attend de nous, c’est surtout l’accueil que nous faisons de son Fils Bien-Aimé qu’il nous livre en cette nuit très sainte, autrement dit l’accueil que nous ferons de son amour miséricordieux! Car la foi est d’abord un don par lequel Dieu se fait connaître à nous sans nul mérite préalable de notre part: il ne s’agit pas de se faire aimer de Dieu, mais de se laisser aimer par Lui. Ne croyez que ce soit si facile; cela peut paraître simple, mais ce n’est pas facile pour nous : car le péché a fait son oeuvre en nous; et ce péché, qui est surtout de suffisance, d’orgueil, nous empêche de nous abandonner entièrement à Dieu qui veut pourtant notre bien, notre vrai bien. Ce n’est pas nouveau : toute l’Ecriture témoigne de cette résistance de l’homme à la volonté d’un Dieu qui est Père, et qui nous demande d’accueillir Sa Vie. Le mensonge vient de celui que Jésus appelle le père du mensonge, à savoir le démon, qui consiste à nous faire croire que nous devons nous émanciper de Dieu, alors que toute notre liberté et notre véritable bonheur consiste à être ses enfants! Et nous pouvons être ses enfants en celui que Marie nous présente en cette nuit : Le Fils Unique de Dieu; car c’est par Lui que vient “la Grâce et la Vérité”, comme le dit saint Jean dans le Prologue de son Evangile. C’est Lui qui vient à nous, c’est Lui qui nous aime le premier : la vie chrétienne est en tout premier lieu accueil du don que Dieu nous fait de Lui! Le pape François le rappelle dans sa dernière Exhortation sur la sainteté Gaudete et exsultate; il y écrit : L’Église catholique a maintes fois enseigné que nous ne sommes pas justifiés par nos œuvres ni par nos efforts mais par la grâce du Seigneur qui prend l’initiative (52). Et il ajoute : Nous ne pourrons pas célébrer avec gratitude le don gratuit de l’amitié avec le Seigneur si nous ne reconnaissons pas que même notre existence terrestre et nos capacités naturelles sont un don (55). Oui, voilà le difficile, frères et soeurs : nous nous appuyons trop souvent sur nos capacités propres, au lieu de reconnaître que “notre capacité vient de Dieu” (Co). Certes, notre croissance spirituelle dépend de notre propre coopération à la grâce de Dieu, qui veut notre sainteté; mais cette sainteté ne dépend pas d’abord de nous, mais de la seule miséricorde divine qui se donne gracieusement à nous : C’est seulement à partir du don de Dieu librement accueilli et humblement reçu, que nous pouvons coopérer par nos efforts à nous laisser transformer de plus en plus (56). Voilà la Bonne nouvelle de Noël, qui est la Bonne nouvelle du christianime tout entier : Ce n’est nullement l’homme qui va vers Dieu, mais c’est bien plutôt Dieu qui vient vers lui! “Pour que l’amour de Dieu soit satisfait, écrivait Thérèse de l’EJ, il faut qu’il s’abaisse jusqu’au néant, pour transformer en feu ce néant!” Ce que Thérèse dit là doit conditionner toute notre vie chrétienne : la foi nous ouvre la porte de la charité infinie dont nous sommes invités à brûler! Il nous faut aimer avec le propre coeur de Dieu dont nous nous serons laissés aimer, voilà désormais l’alliance nouvelle que Dieu nous propose en nous donnant ce soir son propre Fils. Comme Marie, nous sommes invités à l’accueillir dans la foi; la crêche où Jésus désire naître est davantage celle de nos coeurs! Faites un acte de foi en l’amour de Dieu pour vous! La foi nous unit à Dieu et nous fait entrer dans son royaume où l’Amour est roi. Ne craignons pas de nous approcher d’un Dieu qui s’est fait tout petit pour nous. Laissons devant Lui tout retour sur soi : il s’agit de s’offrir à ce Dieu qui s’offre à nous, non pas en regardant ce qui nous manque, mais en accueillant ce qu’il nous donne, à savoir : rien d’autre que Lui-même! Ce que Dieu attend de nous, c’est notre gratitude pour la grâce qu’il nous offre; c’est la joie qui naît de la reconnaissance des bienfaits de Dieu; à l’exemple de Marie, qui chante son Magnificat, exultant de joie pour son Dieu Sauveur! Jésus veut naître EN NOUS! Comme il est né un jour dans le sein de Marie qui l’a conçu par l’action de l’Esprit, Jésus veut naître en chacun de nous d’une naissance non plus charnelle mais spirituelle, et toujours par l’action de l’Esprit Saint! Il est venu pour que nous vivions de Lui parce que nous l’aurons laissé vivre en nous. Il nous a laissé un signe fort de cette proximité qu’il établit aujourd’hui avec nous. Ce signe, c’est bien entendu le signe de l’Eucharistie, ce sacrement de la Présence du Christ parmi nous, qui entre en nos coeurs pour les transformer en Lui. Le Verbe consubstantiel au Père est le même qui est présent sous le pain et le vin. Par la grâce du sacrement, le pain et le vin deviennent vraiment Corps et Sang du Christ; de celui qui, renonçant au rang qui l’égalait à Dieu, a voulu se mêler à notre propre chair humaine pour nous donner d’avoir part à son Précieux Sang, à Son propre Corps, pour nous purifier du péché et nous faire entrer dans une vie nouvelle. Là encore, Marie est notre modèle : cette fois-ci, c’est le pape saint Jean-Paul II qui parle, dans son encyclique sur l’eucharistie : À l’Annonciation, Marie a conçu le Fils de Dieu dans la vérité même physique du corps et du sang, anticipant en elle ce qui dans une certaine mesure se réalise sacramentellement en tout croyant qui reçoit, sous les espèces du pain et du vin, le corps et le sang du Seigneur.(55) N’est-ce pas magnifique frères et soeurs? Ce qui s’est réalisé par le fiat de Marie à l’annonce de l’ange se réalise de la même manière par l’Amen du croyant! Car la réalité est la même : il s’agit du même Seigneur; dans sa réalité physique pour Marie, dans sa réalité sacramentelle pour tous les croyants qui communient!
Demandons à Marie de nous prêter son cœur : regardons-la, l’Etoile de l’Avent qui a porté le Soleil de toute Justice : elle nous apprendra à l’accueillir son Fils; laissons-le naître en nous par le oui de notre cœur dans l’obéissance de la foi. Amen.