Homélie du dimanche 21 janvier 2018 par le frère François

Enregistrement sonore :

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Texte

« Lorsqu’on aura bien vendu le produit de notre pêche nous pourrons refaire la porte de la maison et payer un médecin pour soigner ma belle-mère. » dit Pierre. « Lorsque nous aurons bien vendu nos poissons avec l’argent que nous donnera notre père nous irons en pèlerinage à Jérusalem » dirent Jacques et Jean. Lorsque nous sommes livrés à nous-mêmes nous avons des projets, qui peuvent être généreux, droits, justes mais qui ne peuvent pas dépasser nos projections humaines, qui ne peuvent pas aller de toute façon au-delà de notre mort.

Lorsque Jésus paraît il n’a pas besoin d’un long discours pour retourner les projets existentiels : « Viens suis-moi ! » « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ! » Que se passe-t-il pour que 4 hommes bien ancrés dans les réalités terrestres quittent tout « aussitôt » Il n’y a même pas l’espace d’un discours séducteur. Dans un discours politique quel qu’il soit il y a cet espace dans lequel on cherche à convaincre et qui bien souvent se résume en une flatterie de l’égo par des promesses alléchantes : « Votez pour moi et vous aurez champagne et caviar tous les soirs ! »

Non ! le retournement occasionné par Jésus ne satisfait pas l’égo et ses calculs de tête. Au contraire il fait sortir de soi de son confort existentiel et sécuritaire même s’il est précaire. Laisser son entreprise familiale de pêche et sa famille pour suivre un inconnu ou presque, sur la foi de quelques mots, c’est fou, c’est qu’il y a eu un retournement, le passage d’une tête sage et généreuse à quelque chose de fou totalement in sécuritaire.

C’est le passage de la tête au cœur et le cœur exerce, dans ce cas, un effet plus attractif que nos calculs même les plus généreux. C’est un saut dans le vide, dans l’abîme du cœur, dans ce lieu où Jésus dévoile une nouvelle vie, non plus appuyée sur soi mais sur Lui, sans en connaître l’avenir. Cette confiance abandonnée c’est la foi et là Pierre, André, Jacques et Jean entrent dans la dynamique de l’amour divin et on connaît la suite. De pêcheurs il fait des Apôtres. On peut dire que ce n’était pas ce qu’ils avaient programmé d’avance. Oui car le Seigneur, quand il passe « fais toute choses nouvelles. » Ap 21, 5.

Celui qui dit oui ne s’appartient plus. Il entre donc dans une dynamique de confiance et d’abandon à Jésus. Et Jésus lui donne ce qu’il faut juste pour l’immédiat, il ne peut pas faire de réserves sur lesquelles il pourrait s’appuyer et établir des projections d’avenir en tenant compte de ce qu’il a en réserve, auquel cas il ne s’appuierait pas sur Jésus mais sur ce que Jésus lui a donné. Il y a là une pauvreté qui est demandeuse de l’appui en Jésus. « En Dieu seul mon appui mon secours vient de Lui. » Cf Ps 70 et à terme, lorsque le moi a craqué, « Ce n’est plus moi qui vit c’est le Christ qui vit en moi » Ga 2, 20. « Mon moi et ses calculs pour accomplir la volonté de Dieu ont disparu, en totale pauvreté je suis totalement appuyé en Jésus et j’en deviens tellement intime que par cette pauvreté abandonnée je suis uni à tout son être, à tous les mouvements de son cœur. Et Jésus étant aussi vrai Dieu, ma perspective de vie s’ancre désormais dans l’éternité divine. »

Tout cela nous permet de mieux comprendre la foi que nous voudrions être un acquit de certitudes sur lesquelles on s’appuie. Non vous le saisissez c’est un appui confiant en Christ et cela lui laisse le champ libre pour dilater notre vie et celle de nos frères. Dans le fond si l’on rattache cela à l’amour c’est croire en cet être qui est l’Amour et qui ne nous demande que de nous laisser aimer par Lui. Auquel cas notre existence se voit divinisée même à travers de la banalité du quotidien qui devient union à l’être éternel, commencement de vie éternelle à travers les ennuis et les souffrances d’ici-bas.