Homélie dimanche 30 juillet 2017 par le Frère Benoît-Marie

Enregistrement sonore :

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Texte :

Chers frères et sœurs,

aux gens de Galilée, qui ne connaissaient pas sa véritable identité ou renâclaient à la reconnaître, Jésus s’est adressé en paraboles : à partir d’images de la vie concrète, il a essayé de leur faire saisir la nature du Royaume qu’il venait instaurer.

L’obscurité qu’il laissait planer dans ses explications du Royaume excitait l’intelligence des ignorants à découvrir au-delà des réalités matérielles un autre ordre bien plus profond, celui du divin. Elle laissait leur intelligence dans l’insatisfaction et la poussait à s’ouvrir à la lumière de la foi, qui seule leur donnerait la clef de l’énigme.

En outre, cette obscurité poussait les âmes, qui avaient déjà reçu un peu de la lumière de foi et cherchaient à faire aboutir leur quête de vérité, à un déplacement intérieur, existentiel, à une conversion. Pour compléter leur connaissance du Royaume, il ne leur fallait pas seulement penser, il leur fallait aimer : « ce n’est pas en me disant: Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 7,21). C’est seulement en cheminant dans la foi et l’amour tout ensemble qu’ils pourraient pénétrer toujours plus avant dans la connaissance du Royaume.

Au fil des paraboles, Jésus ‘distillait’ les différentes facettes du Royaume pour en donner progressivement la physionomie. S’il procédait ainsi par petites touches, s’il multipliait les comparaisons et les révélations, c’était d’abord par nécessité pédagogique : la réalité du Royaume était divine ; elle dépassait l’intelligence de ses auditeurs et pour qu’ils s’en fassent quelque idée, il fallait qu’il leur en précise un peu les contours. C’était aussi par miséricorde que Jésus révélait les secrets du Royaume en paraboles : il multipliait les points de communion pour éviter que la difficulté des âmes à adhérer à l’un ou l’autre aspect du mystère se transformât en achoppement définitif et mortel : « si tu n’acceptes pas la puissance que je te révèle dans cette image-ci, peut-être accepteras-tu la miséricorde que je te manifeste dans cette image-là et finiras-tu par te laisser séduire par toute ma personne ? ». A un second titre, on peut voir encore de la miséricorde dans la manière même dont usait Jésus pour révéler : c’était pour excuser ses auditeurs au cas où ils renâcleraient à le suivre. On se rappelle au début du chapitre 13 de Mt, dont est tiré notre Evangile, qu’aux apôtres qui lui demandaient à propos de la foule : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? », Jésus répondait : « A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux, ce n’est pas donné. Celui qui a recevra encore ». Il faut mettre en lien ces paroles de Jésus avec celles-ci : « à ceux à qui ont beaucoup reçu, il sera beaucoup demandé ». Celui qui reçoit la révélation par parabole, de manière cryptée, l’homme de la foule de Galilée, reçoit moins que celui à qui Jésus révèle clairement les mystères du Royaume. Il reçoit moins que l’apôtre. Il sera aussi jugé moins sévèrement que les apôtres ; ses refus ou ses retards à assumer les exigences de la foi trouveront quelque excuse aux yeux de Jésus. Chers frères et sœurs, aujourd’hui, 2000 ans après la foule de Galilée, Jésus s’adresse à nous en parabole dans l’Evangile : par les paraboles, il nous appelle également à nous ouvrir aux réalités invisibles de la foi, à nous convertir pour saisir un jour la pleine vérité du Royaume ; par les paraboles, dans le mode même de révéler, Jésus nous fait miséricorde : l’obscurité qu’il nous y ménage est comme un refuge, une excuse à nos lenteurs à nous convertir.

Quelles facettes du Royaume nous sont donc révélées dans les paraboles de l’Evangile ? Que nous disent-elles du Royaume, de la manière dont il se révèle à nous et de la manière de le faire nôtre ?

Les deux paraboles, celle du trésor découvert dans un champ et celle de la perle fine, nous aident à comprendre ceci : la compréhension du Royaume est un don de Dieu gratuit et inopiné : on découvre le Royaume comme on peut inopinément tomber sur un trésor en labourant son champ. C’est rare et c’est le fruit du hasard. Du hasard avec un grand P : c’est Dieu qui se donne à nous, « selon le dessein de son amour » (Rm 8), pas nous qui le débusquons à la seule force de nos bras. En outre, comme la découverte d’une perle fine, la rencontre de Dieu bouleverse nos vies : il y a un avant et un après. Après, plus rien, à nos yeux, n’a autant de valeur que Dieu. Il devient la première valeur de notre existence et tout lui est subordonné. Cette révolution intérieure que cause la rencontre avec Dieu se manifeste avec force dans la vie de grands convertis comme saint Augustin ou le Bx Charles de Foucauld.

Leur relation à Dieu était une relation de type amical et même nuptial comme le suggèrent les deux paraboles : quand Dieu leur a révélé son visage, emportés par la puissance de leur amour pour Lui, ils ont tout sacrifié pour communier le mieux possible à sa présence – ainsi, comme le vendeur de perles de l’Evangile a cessé son affaire pour ne s’occuper que de sa perle, Charles de Foucauld a quitté l’armée pour se consacrer à la contemplation de Jésus.

La parabole du trésor insiste sur ce point : l’âme qui a découvert son Seigneur veut nouer une relation exclusive avec Lui. Comme l’homme a recaché le trésor pour être sûr qu’il ne soit connu que de Lui seul et d’en avoir la jouissance exclusive, Charles de Foucauld s’est enfoui dans le désert du Sahara pour se consacrer à la contemplation de Jésus-Hostie. Il voulait se cacher en Dieu, le trésor de son existence, pour jouir de sa présence seul à seul, de manière exclusive et totale.

Chers frères et sœurs, ces deux grandes figures de convertis ont découvert la pleine réalité du Royaume de Dieu : les paraboles, reçues dans la foi et l’amour, leur ont fait comprendre que les contours du Royaume coïncidaient avec les traits du Fils de l’homme. Ils ont découvert que le Royaume était au milieu d’eux en la personne de Jésus (cf. Lc 17,20) accomplissant son œuvre de salut. Jésus qui se déployait en eux et les transformait en Lui était le Royaume de Dieu en personne, l’alpha et l’oméga de leur existence.

Pour nous laisser transformer et prendre, à notre tour, les traits du Christ, il nous faut prendre exemple sur ces grandes figures de convertis : il ne s’agit pas de reproduire littéralement ou matériellement les exercices ascétiques et l’isolement physique qu’ils se sont imposés, mais, dans les modalités de nos vocations propres, de communier à l’état d’esprit qui était le leur : mettre Dieu à la première place et vivre pour le servir.

Ce temps de vacances est un temps favorable pour renouer avec les grands désirs de nos cœurs et décider des petits moyens pour les réaliser. Demandons à Jésus-Hostie de nous éclairer sur les résolutions à prendre et la force de volonté pour les mettre en œuvre… tout de suite après la messe.