Homélie dimanche 2 juillet 2017 par le Frère Moïse
Enregistrement sonore :
Texte :
En quoi réside notre identité chrétienne ? Qu’est-ce qui rend digne de porter ce nom de chrétien ? Sommes-nous vraiment dignes du Christ ? Ces interrogations, frères et sœurs, ont, me semble-t-il, le mérite de nous rendre quelque peu attentifs au message de salut qui traverse les textes liturgiques de ce 13ème dimanche du temps ordinaire. Ce message, qui est un message de conformation et d’identification, s’articule en trois éléments constitutifs de la même réalité : l’Amour divin. Il s’agit de l’amour dans sa primauté absolu, de l’amour dans sa fécondité d’accueil et de l’amour dans sa générosité d’abnégation. Amour, accueil et croix, ces trois mots résument bien le message salvifique de ce dimanche.
Oui, l’enseignement de l’Ecriture nous plonge aujourd’hui au cœur de la radicalité évangélique qui n’est rien d’autre que la primauté et l’absolu de l’amour de Dieu. Dieu est Amour, il est le Bien absolu. C’est à lui que nous devons conserver les prémices de notre cœur. Cela implique de reporter sans cesse en Dieu notre cœur, notre affection, notre volonté, nos désirs. Aimer Dieu par-dessus tout, lui donner la préférence sur tout, est le chemin par excellence de notre conformité, de notre identification et de notre assimilation à Jésus. Et c’est dans cette voie de ressemblance que consiste davantage la réalité même de notre baptême. En effet, la grâce de notre baptême, nous dit saint Paul dans la 2ème lecture, est une grâce de conformation à Jésus, mort et ressuscité par amour du Père et des hommes. Sa mort et sa résurrection glorifie le Père et nous sauve.
Pour Jésus et avec Jésus, la primauté et l’absoluité de l’amour divin n’est pas exclusif comme on peut malheureusement l’entendre. Le Seigneur ne dit pas tout court « celui qui aime son père ou sa mère, son fils ou sa fille n’est pas digne de moi », mais « celui qui les aime plus que moi ». Ce superlatif « plus que » n’implique pas une indifférence, un rejet, mais il désigne une manière de tout ordonner à Dieu et de tout accueillir de Dieu et en Dieu. Non, frères et sœurs, l’amour radical de Dieu et pour Dieu n’est pas exclusif, c’est un amour premier, absolu et total. C’est l’Amour-source de Créateur et de Père, par lequel Dieu nous appelle sans cesse à la vie et nous rends aussi capables de participer à sa vie divine. C’est un amour qui intègre, inclut et ordonne tous nos liens d’amour, tous nos attachements, dans une harmonie libérante, élévante et épanouissante.
On pourrait bien se demander pourquoi nos relations humaines d’amour sont souvent des lieux de blessures, d’insatisfaction, d’incompréhension et d’incomplétude ? N’est–ce pas tout simplement parce qu’il manque cet ordre d’amour qui consiste en ce que Dieu soit le premier aimé et servi et que seul son amour est source de l’amour vrai, équilibré et ordonné pour nous-mêmes et à l’égard des autres ? Ainsi, la priorité absolue donnée à l’amour divin authentifie et dynamise à son tour nos affections humaines.
L’absolue de l’amour de Dieu implique deux exigences qui sont deux qualités inhérentes à l’amour : la générosité dans l’ouverture aux autres et la constance dans l’épreuve. Embrasser la croix et accueillir dans la charité sont deux marques de la primauté et de la radicalité de l’amour divin.
« Qui vous accueille, m’accueille ; et qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. » L’amour de Dieu enrichit, dilate et élargit notre cœur et nous ouvre à l’accueil et au service généreux des autres, de l’étranger, de l’inconnu par amour de Dieu, pour Dieu et en raison de Dieu. Notre hospitalité, frères et sœurs à l’égard des réfugiés, des migrants et de tous les nécessiteux doit être une hospitalité divine, chrétienne, c’est-à-dire par amour de Dieu et pour Dieu. C’est l’exemple que nous donne la sunamite accueillant avec disponibilité et générosité le prophète Elisée en sa qualité d’homme de Dieu. C’est ce que nous enseigne Jésus dans l’Évangile. Et bien accueillons nous aussi les autres en leur qualité d’enfants de Dieu et en leur qualité de frères et sœurs en humanité. Nous recevrons sûrement alors une récompense d’enfant de Dieu et de fraternité humaine.
« Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi ». Le poids de l’amour divin qui nous entraîne tout entier en Dieu met à contribution toutes les forces de l’âme, toute l’ardeur de notre volonté et tout l’élan de notre cœur pour embrasser la croix. Car comme l’enseigne le dicton : « amour prouvé, amour éprouvé ».
La croix est l’exercice du renoncement, le chemin de la conformité à Jésus crucifié. C’est elle qui imprime en nous les traits de la divine ressemblance. Elle nous fait ressembler à Jésus et nous fait coopérer à l’œuvre de la Rédemption.
Notre Père, saint Jean de la Croix nous rappelle dans La Montée du Carmel (MC I, 13) que Jésus, en cette vie n’eut et ne voulut avoir autre goût que de faire la volonté de son Père. Et cela signifie : détachement, croix, sacrifice, renoncement à soi. L’amour de Dieu et pour Dieu n’est pas un pieux sentiment ou une exaltation flottante. L’amour de Dieu est une offrande généreuse de sa vie, une force unitive et transformatrice.
La croix est le moyen par excellence de notre conformité, de notre ressemblance et de notre identification à Jésus. Embrasser de bon cœur la croix c’est accepter et offrir activement et non pas simplement subir tout ce que nous rencontrons d’amer et de pénible en notre vie de chaque jour. Il y a bien des croix inévitables dans la vie qu’il est mieux d’embrasser avec le secours de la grâce dans la liberté de cœur que de les subir dans l’aigreur et la tristesse.
Puisse la grâce de la communion de ce jour nous unir davantage au Christ et nous identifier à lui dans la plénitude, la vigueur et l’intensité de l’amour divin, dans l’étreinte du mystère de la croix et dans le service généreux de la charité à l’égard de tous les hommes.