Homélie dimanche 1er Octobre 2017 par le frère Jean-Gabriel

Enregistrement sonore :

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Texte :

Homélie pour les Vendanges Spirituelles, Le Broussey

Avec celle que l’on a désormais coutume d’appeler « la Petite Thérèse », nous revenons à la sève évangélique qui fonde toute mystique chrétienne digne de ce nom ; à savoir : à la révélation d’un Dieu qui vient au-devant de l’homme pour lui apporter le salut par le don de son propre Amour. Un salut qui dès lors est une grâce à accueillir avec la même simplicité que celle d’un enfant, comme le confirme Jésus lui-même : « Quiconque n’accueille pas le royaume comme fait un enfant n’y entrera pas » (Mc 10, 15).

C’est la philosophe Simone Weil qui déclarait qu’on pervertirait la religion chrétienne en donnant à penser que c’est l’homme qui cherchait Dieu, et non l’inverse! Dieu recherche l’homme avec une infinie constance et patience!

Car Dieu s’offre gracieusement à qui veut bien l’accueillir. Le salut est un cadeau que Dieu nous offre. Il prend l’initiative de nous aimer il se fait si petit qu’il devient l’un de nous, par Amour pour nous, pour que nous ne craignions pas de nous approcher de Lui et de nous laisser aimer par LUI.

– Jésus, qui t’a fait si petit? se demande Thérèse — L’Amour! lui répond Jésus…

Et le Christ nous demande d’accueillir l’Amour qu’Il a pour nous, de dire « oui » à son Amour, à son Royaume dans lequel seuls peuvent entrer ceux qui se font semblables aux petits enfants. Ce qui veut dire que la porte qui conduit à la Vie n’est pas à forcer, à gagner par je ne sais quels mérites préalables, mais que le salut est une grâce, un don immérité qu’il nous faut accueillir avec la même confiance et dans la même dépendance qu’un enfant reçoit de ses parents tout ce qui lui est nécessaire pour vivre et grandir.

La petitesse de l’enfant, c’est cette capacité de pouvoir dépendre de Celui sans lequel on ne peut rien, sans lequel on n’est rien puisque Lui seul nous donne la vie, le mouvement et l’être.

Pour Thérèse, qui expérimente, par le don de Sagesse son petit néant spirituel, loin d’être un obstacle, sa petitesse devient au contraire un moyen pour que Dieu puisse répandre en elle « les flots de tendresse de Son Amour Infini ». Cette petitesse consiste pour Thérèse à laisser Dieu l’emplir de Lui et de son pur Amour. Elle est le réceptacle parfait et pur du don que Dieu veut lui faire de Lui, dans une totale gratuité d’amour. Thérèse y insiste constamment, rejoignant ainsi saint Paul qui ne cesse de rappeler dans ses lettres que l’homme, laissé à lui-même, l’homme charnel, est incapable d’acquérir la justice du Royaume et donc d’être sauvé; Dieu la lui accorde gratuitement par le don de la foi agissant par la charité. Un grand théologien, Louis Bouyer, a d’ailleurs pu dire que la doctrine de la voie d’enfance spirituelle rejoignait ce que saint Paul et toute la tradition théologique à sa suite appelle la doctrine de “la justification par la foi”. La foi est en effet ce « oui » de l’homme qui accepte le don que Dieu lui fait de l’Esprit d’amour, autrement dit qui accepte de se recevoir des mains de Dieu pour s’abandonner tout simplement à Sa volonté.

« La foi naît de la rencontre avec le Dieu vivant, qui nous appelle et nous révèle son amour, un amour qui nous précède et sur lequel nous pouvons nous appuyer pour être solides et construire notre vie », déclaraient les papes François et Benoît dans leur encyclique commune Lumen Fidei (n° 4).

La petitesse de l’enfant, que Thérèse a magnifiée dans ses écrits et dans sa vie, devient ainsi la disposition du cœur essentielle, la béatitude des mains vides, des pauvres de cœur qui entrent de plain-pied dans le Royaume. Elle est l’attitude inverse de l’homme pécheur qui se recroqueville sur lui-même dans une auto-suffisance mortelle. La voie d’enfance, par l’humilité radicale qu’elle prône, est l’antidote au P.O.

Aux tout-petits, le Père révèle ses secrets qu’il a voulu cacher à ceux qui se croient sages et intelligents — ou pire : qui se croient justes! — mais qui demeurent misérables parce que pleins d’eux-mêmes et vides de Dieu. Mais en ceux qui sont conscients de leur faiblesse, de leurs manques, de leur « impuissance à tout bien » (ce mot revient souvent sous la plume de Thérèse), mais qui consentent à se laisser sauver par Lui, le Père se complaît et se donne sans retour.

« Plus on est pauvre et sans force, sans désirs ni vertus, plus on est propre aux opérations de l’Amour… » Et encore : « le mérite c’est de recevoir ».

Dès lors Thérèse se découvre à nous comme le Prophète de l’Amour infini d’un Dieu qui se donne dans toute la gratuité de Son Amour miséricordieux, Sauveur. Il y a en effet une misère à sauver, et c’est la nôtre, et il n’y a pas de pire misère que de ne pas vouloir être sauvé ! Notre néant devient une chance dès lors que la confiance et l’abandon du petit enfant nous ouvrent aux plus hauts sommets de l’Amour et de la vie filiale. Ma vocation, c’est l’Amour : tel est la découverte de Thérèse à la suite de saint Paul aux Corinthiens :sans l’amour de Dieu, la charité, je ne suis rien!

Thérèse est là pour nous rendre à la conscience de notre condition d’enfants du Père. « La perfection, disait-elle, consiste à être ce que Dieu veut que nous soyons ». Or, comme le dit saint Jean, Dieu a voulu que nous soyons appelés ses enfants.

« Dieu est notre Père et nous sommes ses enfants », déclarait saint JP II, qui la proclama Docteur de l’Eglise le 19 octobre 1997. Thérèse est Docteur de la charité divine qui s’est penchée sur elle pour la transformer, « comme le feu transforme toute chose en lui-même » (Acte d’Offrande à l’Amour miséricordieux). Thérèse est un chef-d’œuvre de l’Esprit Saint, au même titre que la Vierge Marie et que tous les saints du Ciel. Malgré sa petitesse, (voire en raison même de cette petitesse !), qu’elle ne cesse de proclamer par tous ses écrits, le Seigneur s’est penchée sur elle, comme un jour il s’est penché sur Marie, l’Humble Servante. Elle est un témoin privilégié de la sanctification de l’homme dans la foi et dans l’amour divin.

Elle proclame que tout homme est sauvé par la seule grâce et par la seule miséricorde de Dieu, gratuitement, en régime de foi. Mais il faut qu’il consente librement et sans cesse à l’œuvre de la grâce; se convertisse à un amour qui nous précède toujours, mais qui attend le “oui” de notre liberté pour nous introduire dans la justice du Royaume qui purifie et sanctifie les âmes qui se laissent faire par Lui. Dieu qui t’a créé sans toi ne peut pas te sauver sans toi (saint Augustin). La miséricorde divine n’est pas automatique, elle n’est pas une assurance tout risque qui nous dédouanerait de notre responsabilité personnelle. Il faut dire “oui” à l’Amour, et voilà le difficile; c’est à la fois simple et très difficile, car le coeur de l’homme est compliqué et malade, et il ne consent pas si facilement à se laisser sauver dans une radicale humilité et simplicité.

Elle le constate dès le début de son autobiographie : « La fleur qui va raconter son histoire se réjouit d’avoir à publier les prévenances tout à fait gratuites de Jésus, elle reconnaît que rien n’était capable en elle d’attirer ses regards divins et sa miséricorde seule a fait tout ce qu’il y a de bien en elle… (Ms A 3 v°). On ne peut être plus clair. Toute l’expérience spirituelle de la petite Thérèse, qui marque nécessairement toute sa doctrine et sa vie, est conditionnée par cette conscience fondamentale qu’elle a, non seulement de sa petitesse, mais aussi et surtout des gracieuses prévenances de l’Amour miséricordieux de Jésus sur son âme.

Immense prophète de l’Amour de Dieu qui nous renvoie encore à ce que saint Jean nous a révélé :

“Ce n’est pas nous qui avons aimé, mais Dieu qui nous a aimés le premier”; par le don de l’Esprit, l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs ; vivons de cet Esprit, et soyons, comme Thérèse, les témoins et les prophètes de cet Amour sans limite. Amen

Prière Universelle

I/ Nous te prions, Seigneur, pour que ton Eglise soit témoin de la Bonne Nouvelle de la Grâce de ton Fils, et que tes Pasteurs sachent trouver les mots et les attitudes appropriées pour faire connaître au monde l’œuvre de Ton Amour.

II/ Nous te prions pour les autorités civiles de notre pays, afin qu’elles sachent mettre en œuvre une politique respectueuse de la loi naturelle et de la personne humaine dans toute son intégralité.

III/ Nous te prions Seigneur pour tous ceux qui souffrent, pour les personnes démunies devant la maladie ou la vieillesse, pour qu’elles trouvent en Toi un Consolateur et puissent, comme Thérèse de l’EJ, unir leur souffrance à l’offrande d’amour du Christ pour le salut du monde.

IV/ Pour nous tous ici rassemblés pour fêter la petite Thérèse et pour nos Vendanges Spirituelles, afin que nous sachions nous recevoir pleinement de Ta grâce et devenir les témoins et les prophètes de Ta miséricorde infinie.